Entre plumes et flocons

Je désespérais de capter cette année la beauté de la neige qui tombe, des paysages glacés et des ambiances figées sous des couches épaisses de flocons… A ma plus grande joie une vague de froid s’est abattue sur l’Auvergne ! J’ai donc passé quelques matinées à grelotter dans les Puys :)

Ces heures d’attente dans le froid m’ont permis de passer d’incroyables moments avec les habitantes de ces forêts de montagne. Ces boules de plumes pleines de ressources s’activant de branches en branches, même quand le thermomètre frôle le -10°C, sont nos voisines les Mésanges !

Je vous propose de passer quelques minutes avec des Mésanges boréales et des Mésanges huppées, dans leur domaine de neige et de bois.

 

 

 

Entre plumes et flocons

Information techniques :

Localisation : Sous le Puy de Dôme

Milieux: Forêts et Anciens vergers

Saison : Hiver

Matériel utilisé : Enregistreur Zoom H4nPro et Micros Octavas Omnidirectionnels

J’étais focalisée sur mon écoute et n’ai pas pris le temps de les scruter avec mes yeux. N’hésitez pas à me contredire sur les identifications ! J’ai cru reconnaître des cris caractéristiques de Mésanges boréales mais le doute est permis avec sa cousine la Mésange nonnette très similaires à nos yeux d’humain.e.s.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

De nombreuses espèces d’oiseaux restent dans les zones « froides » de nos contrées et ne migrent pas durant l’hiver (un article ne devrait pas tarder à sortir spécifiquement sur ce sujet !). Le plus gros problème c’est la nourriture ! Graines et insectes sont sous terre, rien à se mettre dans le bec. Être bien gras.se.s et trouver de quoi manger tout au long de l’hiver permet de résister aux plus basses des températures. En complément de la recherche incessante de nourriture durant le jour, plusieurs adaptations leur permettent de tenir le coup durant les vagues de froid :

  • Se gonfler d’air : vous avez probablement déjà observé des moineaux ressemblant plus à de petites boules qu’à des oiseaux en hiver ? En effet, emprisonner une couche d’air entre les plumes et leur corps leur sert d’isolant et évite les pertes de chaleur. C’est le même mécanisme que lorsque nous avons la chair de poule !
  • Baisser sa température : certaines espèces baissent leur température corporelle et rentrent dans un état de « torpeur » qui leur permet de consommer moins d’énergie.
  • Se regrouper : c’est ce que font les moineaux quand ils se rassemblent le soir venu toutes et tous dans le même arbre. Ces zones sont appelées, tout simplement, des dortoirs. Ce comportement semble être lié au fait qu’à plusieur.e.s et bien, on a moins froid !

Et qu’en est-il des groupes que l’on peut voir dans la journée ? En observant les mésanges on peut souvent voir que des troupes sont composées de plusieurs espèces.

Les plus faciles à observer sont les Mésanges Charbonnières et leurs comparses Bleues.

 

 

Dans les Puys, j’ai pu voir un groupe que j’ai tout d’abord identifié comme étant composé uniquement de Mésanges Noires. Quand elles se sont rapprochées de moi, j’ai pu voir que nombre d’entre elles étaient en fait des Mésanges huppées, la plus punk des passereaux ! J’ai pu lire à de nombreuses reprises dans la littérature qu’elles sont difficiles à approcher. Cependant en restant immobile assise dans la neige, avec mon arrière-train qui gelait bien tranquillement, elles ont vaqué à leurs occupations à quelques mètres de moi. Les voir et les entendre aussi bien était vraiment génial !

 

 

J’ai quelque peu manqué de rigueur en ne regardant pas de près les individu.e.s à calotte noire (identifiées comme des Mésanges noires)…, impossible de savoir quelle était en réalité leur espèce. Quelques Boréales étaient en tout cas présentes (écouter le son du début d’article).

 

 

Quelques jours avant, j’avais passé un moment avec un groupe d’au moins 20 individu.e.s de Mésanges à longue queue. Cette espèce reste toute l’année en groupe familial et l’hiver, l’association entre différentes familles peut se réaliser.

 

 

L’observation de leur ballet incessant entre les branches d’un gros conifère m’avait quasiment plongée en hypothermie et j’ai mis le reste de la journée à m’en remettre :D. Je ne me suis pas rendue compte d’une erreur de manip, mettant en route les micros de mon Zoom posé sur ma jambe à la place de ceux de ma perche  qui sont de meilleure qualité et orientés vers les oiseaux…j’ai ainsi réduit à un quasi néant la prise de son. On va mettre ça sur le compte de mon cerveau en train de se refroidir et je vous propose tout de même de les écouter !

 

Groupe de Mésanges à longues queues

Information techniques :

Localisation : Sous le Puy de Dôme

Milieux: Forêt conifères

Saison : Hiver

Matériel utilisé : Enregistreur Zoom H4nPro

 

En essayant d’enregistrer une Mésange huppée, je suis tombée nez à nez avec un Grimpereau ! On n’est jamais au bout de ses surprises ! Il mange des insectes même en hiver, grâce à se petite taille qui lui permet de farfouiller de partout, contrairement aux mésanges obligées de manger des graines (à ce propos voilà une petite vidéo de NaturImage, avec des images bien sympas de décorticage de graines).

 

 

Cris de Grimpereau des jardins

Information techniques :

Localisation : Sous le Puy de Dôme

Milieux: Forêt mixte

Saison : Hiver

Matériel utilisé : Enregistreur Zoom H4nPro

 

Toutes ces observations m’ont interrogées…sait-on pourquoi les passereaux s’associent-elles/ils l’hiver ? En fouillant dans des publications scientifiques j’ai pu apprendre que le terme désignant les agrégations d’individu.e.s est le « flocking ». Ces groupes semblent avoir deux « utilités » : se protéger des prédateurs et permettre de trouver plus de nourriture.

Pour la nourriture, c’est assez intuitif…plus on est nombreu.s.e.s plus c’est facile de détecter et exploiter la nourriture ! Il a pu être démontré, notamment chez un groupe composé de Mésanges nonnettes, Mésanges charbonnières et Mésanges bleues, que les individu.e.s profitaient de la recherche de nourriture des individu.e.s de leur propre espèce mais également des autres espèces pour trouver leur propre nourriture. En effet, plus les individu.e.s sont différent.e.s, plus les compétences sont variées, plus les capacités pour résoudre les problèmes sont importantes. Cependant ces groupes sont loin d’être idylliques et ne fonctionnent pas de façon « égalitaire » et horizontales. Par exemple, les Mésanges boréales en présence de Mésanges huppées (un petit peu plus grosse que les premières) s’alimentent plus bas dans la canopée (Todd Freeberg et al., 2017).

Une des choses que je trouve le plus incroyable dans ces groupes est leur capacité à se comprendre entre individu.e.s de différentes espèces et à se transmettre des informations. Des études ont pu montrer que les associations entre différentes espèces, chez des mésanges, peut permettre d’augmenter la diffusion de l’information lors de recherche de nourriture (Damien Farine et al., 2015).

Plusieurs effets peuvent expliquer pourquoi être en groupe est important face à la prédation :

  • quand on est plus nombreus.e.s on a moins de chance, statistiquement parlant, de se faire croquer ! C’est ce qu’on appelle « l’effet de dilution ».
  • plus il y a d’yeux et de cerveaux attentifs, plus les éventuell.e.s prédateur.rice.s on de chance d’être détecté.e.s.
  • on a toutes et tous en tête l’image des bancs de poissons bien denses qui bougent de concert perturbant ainsi la chasse des otaries. Cet effet perturbe la détection des prédateurs envers un individu bien précis.
  • d’autres phénomènes peuvent faire effet, comme le « troupeau-égoïste » (les individu.e.s les plus au centre du groupe seront plus protégé.e.s) ou le fait que la taille du troupeau réduira la chance d’être croqué.e (par des avertissements vocaux par exemple). (Henrik Murdoch, 2012)

Les chercheuses Stacia Hetrick et Kathryn Sieving ont démontré que différentes espèces de mésanges Nord-Américaines étaient capables de comprendre les cris signalant la présence de prédateur qu’émettaient d’autres espèces de mésanges. Elles suggèrent même que les mésanges (les Parides) peuvent avoir un rôle très important dans les groupes d’oiseaux du fait de leur capacité à évaluer les risques et à communiquer dessus de façon précise et répétée. Autrement dit c’est un rôle d’informatrices et elles pourraient améliorer par-là la survie de nombreuses autres espèces. (Cette dernière étude a été réalisée sur des personnes détenues en captivité. Si vous connaissez des études portant ou ayant permis de mettre à jour cette information sans souffrance animale, n’hésitez pas à me transmettre l’information.)

Toutes ces études et observations personnelles ne font que me rappeler à quel point chaque individu.e, aussi petit.e et « commun.e » soit-elle/il nous réserve nombre de découvertes et d'émotions !

Je ne suis pas une ornitho confirmée (et même si c’était le cas !), n’hésitez pas à remettre en question ce qui a pu être dit dans cet article. Et surtout à partager sur vos propres observations.

 

PETIT COUP DE POUCE

Vous pouvez rendre service aux oiseaux l’hiver en leur proposant à manger. Cependant il est nécessaire de :

  • pratiquer le nourrissage uniquement pendant les vagues de froid pour ne pas les rendre dépendant.e.s,
  • arrêter le nourrissage progressivement (il suffit de quelques jours sans nourriture pour qu’un passereau meurt de faim !),
  • ne pas leur donner des aliments inadaptés à leur physiologie (salés, graines de lin, lait…),
  • bien nettoyer les mangeoires pour éviter les épidémies,
  • et surtout rendre les zones d’alimentation inaccessibles aux prédateurs (les chats, même les plus doux et ronronnants, sont de terribles prédateurs !!).

Pour en savoir plus voici un super article de la LPO-Auvergne avec plein de plans et d’idées de mangeoires : http://www.lpo-auvergne.org/agir-avec-la-lpoconseils-pratiques/mangeoires

Je vous conseille les vidéos de La Minute Nature, par Julien Perrot de la revue La Salamandre, et en particulier celle sur les Héro.ï.ne.s de la Mangeoires.


Bibliographie :

S.A. Hetrick & K.E. Sieving (2012). Antipredator calls of tufted titmice and interspecific transfer of encoded threat information. Behavioural Ecology

Damien R. Farine, Lucy M. Aplin, Ben C. Sheldon, William Hoppitt (2015). Interspecific social networks promote information transmission in wild songbirds. The Royal Society Biology.

Todd M. Freeberg, Shannon K.Eppert, Kathryn E. Sieving, Jeffrey R. Lucas (2017). Diversity in mixed species groups improves success in a novel feeder test in a wild songbird community. Scientific reports.

Henrik Murdoch (2012). Mixed-species flock size affect contact call frequencies of the crested tits, Lophophanes cristatus. University of Jyvaskyla.

Svensson L., Mullarney K. et Zetterström D. (2010). Le guide ornitho. Delachaux et Niestlé.

https://www.vigienature-ecole.fr/les-observatoires/propos-des-oiseaux/survivre-l-hiver

https://boutique.lpo.fr/nos-dossiers/dossiers-thematiques/les-oiseaux-et-le-froid-question-de-strategie//


 

e-mail: syrigma.son@gmail.com

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